LA RECHERCHE EN DESIGN

Recherche, créativité, innovation

ecxstyle21">Si recherche et innovation sont presque naturellement associées, la reconnaissance de la créativité, et plus largement de la culture, comme facteur d’innovation peut sembler plus nouvelle. 
Un dossier spécial de "Culture et recherche" a une double ambition. D’abord, montrer comment la culture s’intègre dans le nouveau paysage national, mais aussi européen, de la recherche et de l’innovation. Ensuite, illustrer cette intégration par des exemples dans différents champs de la recherche culturelle: industries culturelles, architecture, arts plastiques et design, muséologie, musique, audiovisuel...

Quelle recherche en design? 

Les multiples facettes du design le rendent difficile à appréhender. Le développement de la recherche en design suppose ainsi que s’élabore une nouvelle approche théorique de cette discipline. Recherche et innovation s’appuient sur une analyse globale des usages et besoins de l’Homme contemporain, à la fois respectueux de la nature et vivant dans un environnement technologique complexe.

 Art ? Artisanat ? Industrie ? Tout cela et bien plus. Le design, écrit-on ici et là, est une pratique, une culture, une pensée, une conduite intellectuelle. 

Quelques préliminaires

Au-delà des intentions personnelles du designer, le design s’inscrit dans des localisations socioculturelles dont il faut cerner la portée. Le designer se réfère à un faire («faire du design») qui n’est pas seulement le sien mais celui de la société qui spécifie une production. Que fabrique le designer lorsqu’il fait du design? Que produit-il? Obéit-il à des règles propres ? Quelle est cette énigmatique relation que le designer entretient avec la société par la médiation d’une activité créatrice et technique ?

Mais si le chercheur veut tenter une plongée dans ce domaine, il se trouve devant une difficulté. Dans la mesure où la tradition universitaire est étrangère à la pratique et à la technicité, elle renvoie le design justement à une unique pratique. La pensée ne commencerait qu’avec l’interprétation. Cependant, il faut entendre que cette pratique n’est pas circonscrite à un unique «faire» mais entre bien dans une relation entre discours et technique. Cette discipline créée de toutes pièces des environnements culturels, sociaux, esthétiques, politiques, etc. qui dépassent largement le faire, obéissent à des règles, des codes, une pensée : le design est bien un savoir qui se construit dans une combinaison d’un lieu social, d’une production, de pratiques esthétiques et d’une écriture.

1. Le design souvent apparaît comme une discipline mercantile et médiatique. Sa production iconogène ne produit-elle que du signe, de l’artefact? Le design peut-il dépasser le spectacle et transmettre quelque chose d’une génération à l’autre ?

2. La pluridisciplinarité, écrit-on ici et là, est constitutive de l’acte de design, porteur de cultures (artistique, technologique, humaniste, communication, marketing) dont on ne sait trop si elles se superposent ou si elles tissent. Les concepts, notions ou mots d’ordre de «tissage», «métissage», «transversalité», «créateur de lien», «interface», etc., ou l’image du designer chef d’orchestre reviennent le plus souvent pour décrire le travail de designer. N’y a-t-il pas à dessiner là un domaine autonome, plus sûr de lui, fournissant des outils conceptuels, participant aux débats, rendant compte des enjeux qui le traversent ?

3. Une poignée de designers occupent, du fait de l’envergure de leur production et de leur médiatisation, le devant, voire la totalité, de la scène créative. Ils font oeuvre. La posture du designer-créateur, proposant une vision à la fois incidentielle et globale du monde, participe de la complexité du champ étudié. Cette visibilité de quelques-uns n’est-elle qu’un effet d’optique qui masque la réalité du champ ?

La recherche

Organiser, structurer une recherche qui se situe à la confluence de la création, des sciences, de la technique et de la conception. Cette recherche prend appui sur les besoins et les usages des individus ou des groupes et accompagne les nouvelles pratiques. Les programmes (énergie, développement durable, usages et technologie, habitat, design de services, design médical, lumière, flux, etc.) associent concept et conception. Ainsi, pas de recherche sans production théorique de savoir ; mais pas de recherche en design sans conception par des images, des scénarios, des objets, des services ou toute production) adéquate issue des résultats de l’analyse.

Design et innovation

Quel est le statut de l’innovation dans ce contexte ? Le nouveau siècle s’ouvre à la fois sur un extraordinaire défi et sur de nouvelles tensions : comment organiser le monde entre la prospérité matérielle des hommes et le maintien de conditions de vie respectueuses de la nature? Le design travaille, comme d’autres disciplines, à la résolution de ces tensions. Compris comme un état d’esprit, une discipline qui cherche à harmoniser l’environnement humain, réputé comme principal facteur d’humanisation des techniques, le design prêtant souvent et propose parfois d’être une source d’innovation, c’est-à-dire la mise au point d’un produit ou d’un service plus performant, pour fournir une nouveauté ou une amélioration au consommateur ou à l’usager. Pourtant cette approche est dépassée, car elle ne résout pas l’ensemble des dilemmes qui traversent l’activité contemporaine des hommes. Aussi s’agit-il, dès aujourd’hui, dans l’acte de design, de prendre en compte la complexité croissante des techniques produites par l’innovation elle-même et la quête de l’efficacité (par exemple dans le cadre du Grenelle de l’environnement, l’efficacité énergétique), d’analyser les mécanismes d’appropriation des techniques par les individus et les collectifs – les usages, les pratiques, la réalité des besoins – d’intégrer les effets de la consommation et de la conception non plus à une échelle locale mais globale, d’appréhender l’instabilité de l’utilisation des ressources, etc.